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On Air

L’émission du jeudi 20 avril 2017

[…] Quinze ans après sa première explosion de joie, la Salle 101 récidive dans le patriotisme dur tendance virile pour mieux donner son avis péremptoire sur plusieurs choses notables consignées ci-après : Amour monstre, super livre qu’il est bien de Katherine Dunn. Suréquipée, roman moyen voire pas terrible de Grégoire Courtois. Réalités, vol. 1, recueil de nouvelles chouettes aux éditions Realities. Allez, tous au Vel d’Hiv !

« Oui, mais en fait, oui », nous rassure Eldar A.

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On Air

L’émission du jeudi 6 avril 2017

[…] Désormais asseliniste, oui, asseliniste, la Salle 101 te régale de poésie brute en te parlant de choses belles et divertissantes, subtiles et charmantes : Votez Chtulhu, un guide géopolitique fort utile en ces temps troublés par la judéo-maçonnerie. Le langage de la nuit, un essai relou par la relou Ursula K. Le Guin (on plaisante, ça va). Alice automatique, roman youpiyou de Jeff Noon. Deutschland 83, série télévisée avec des allemands dedans. Nicht Umbedingt, aber vielleicht.

« J’ai un truc qui gratte, là », nous informe Henri L.

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Interviews

Anna Starobinets dans la Salle 101

[…] Au cours des Utopiales 2016, la Salle 101 a mené quelques interviews, certaines ont déjà trouvé le chemin des ondes, d’autres se sont égarées dans les limbes de l’oubli, pour mieux réapparaître dans un authentique chemin de lumière.

Nous avons eu le plaisir de rencontrer Anna Starobinets et son éditrice Nadège Agullo (Éditions Agullo).

Anna Starobinets est une auteure russe dont trois textes ont été publiés en France : Je suis la Reine, Le Vivant (éditions Mirobole, Prix Utopiales 2016) et Refuge 3/9.

Lors d’une conférence aux Utopiales, vous racontiez être jeune maman lors de la rédaction de votre recueil de nouvelles Je suis la reine. Quelle vision de l’enfance aviez-vous à ce moment-là ? Était-ce une enfance inquiétante ?

L’enfance peut être sombre. L’enfance de ma fille n’est pas sombre du tout. Je ne suis pas seulement mère, je suis aussi auteure. Parfois, j’emprunte des gens et des situations pour mes récits. Ma maternité ne pouvait que m’inspirer. Quand je suis devenue mère, je me suis rapidement demandé ce qui viendrait ensuite. Quand mon enfant a eu un mois, j’ai commencé à penser à son adolescence future, cet âge bizarre. Cette période de transformation en adulte. L’enfant devient imprévisible. Il vous déteste, parfois. Je me suis demandé comment ce joli bébé pourrait un jour me dire : je ne t’ai pas demandé de me donner la vie, je te déteste, je ne te supporte plus. J’anticipais ces changements et je me suis dit que ce serait une bonne métaphore pour un roman. Quand une personne que vous connaissez bien se transforme en quelqu’un d’autre. C’est un cauchemar qui effraye chaque parent. Découvrir que leur enfant ne leur appartient plus.

Dans vos livres, ni le réel ni le fantastique ne sont optimiste. Beaucoup de critiques associent votre travail à l’horreur et au gore. Comment vous représentez-vous le réel ?

Quand je rencontre des gens avant qu’ils ne lisent mes livres, ils me trouvent sympa et optimiste. Ensuite, ils décident de lire… et mes romans les choquent : on ne pensait qu’il y avait autant de noirceur en toi. Cela me surprend, car personnellement, je fais la séparation entre moi et l’auteur. Si ces textes étaient biographiques, cela voudrait dire que je suis habité par des démons, etc. C’est de la fiction. C’est un genre que j’aime depuis mon enfance. J’ai lu Bradbury, Stephen King, Boulgakov et Gogol. J’étais admirative de cette utilisation de détails fantastiques et inquiétants. La structure de ce genre permet de dire quelque chose de la réalité. Ces choses ne sont pas nécessairement mauvaises. Si vous écrivez toujours sur des sujets optimistes, vous risquez de rester à la surface. Vous améliorez certainement le moral du lecteur, mais vous n’irez pas en profondeur. La vie n’est pas joyeuse. Elle se termine toujours… et douloureusement. C’est un fait établi. Certaines personnes se le cachent. Si vous pensez à ça, vous ne pouvez pas être optimiste, mais cela ne veut pas dire que vous êtes du côté de la mort, ou que vous êtes morbides. Cela veut dire que vous souffrez de la fragilité du monde ou de la destinée qui vous attend. Je ne suis pas heureuse de ce que j’écris, de la solitude, de la perspective de perdre des personnes proches, mais ces choses existent et je les utilise comme des instruments. C’est un moyen de montrer la fragilité de la vie, ce qui la rend précieuse. C’est un contraste. Dans Le maitre et Marguerite de Boulgakov, Woland est le diable, on l’accuse d’apporter l’ombre et les ténèbres. Woland répond alors : s’il n’y avait pas d’ombres, vous ne pourriez pas voir le soleil.

Comment vos livres sont reçus en Russie ?

Ça dépend des gens. J’ai reçu un prix en Russie qui s’appelle « Bestsellers debut », pour les jeunes auteurs. J’ai généralement de bonnes critiques presse. Cela fait longtemps que j’ai arrêté de lire les blogs — la quête de vanité, tout ça… Pour moi, ce n’est pas très excitant de lire l’avis de ceux qui ont apprécié mes livres : c’est bien écrit etc. Même si, bien sûr, c’est toujours un plaisir d’avoir quatre ou cinq étoiles. Et puis, il a ceux qui n’ont pas aimé et qui écrivent : j’ai trouvé ça dégoutant, j’ai vomi pendant deux heures en le lisant, je ne pouvais pas dormir, cette femme est le diable… Au début, je trouvais ça drôle et puis ça m’a agacé. Des journalistes m’ont aussi demandé si j’étais folle. J’en ai eu assez d’expliquer que non, il ne s’agit pas de moi, ce sont des personnages… Les avis sont partagés. Aujourd’hui, j’ai un public de fans qui achètent tous mes livres et qui m’apprécient en tant qu’écrivain. Il y un petit groupe qui déteste… les autres s’en foutent.

La particularité de Refuge 3/9, publié aux nouvelles éditions Agullo, c’est le mélange de plusieurs contes russes. Comment vous est venue cette idée ?

Il a différentes raisons. Les personnages des contes russes ne sont pas montrés dans leur forme réelle. Il existe une version plus modérée pour les enfants, dans lesquels ils sont très artificiels et très sympathiques. C’est très bien pour les dessins animés ou pour un public très jeune. En vérité, ces personnages viennent de la mythologie slave. Ils sont cruels, effrayants. Les personnages des mythes scandinaves ou africains sont plus sérieux que les personnages russes. Mais nos personnages mythologiques sont parfois plus intéressants, car ils sont sans peur. Je voulais me débarrasser de cette apparence gentillette, montrer leur côté obscur. Baba Yaga, par exemple, n’est pas une gentille mamie tranquillement installée chez elle qui indique le chemin aux égarés. On la décrit quand même avec une jambe en os. Dans sa version originale, Baba Yaga est une vieille femme à moitié morte. Elle a une jambe sans peau ni muscle. Sa seins pendent sur on corps de vieille, alors elle les posent sur son dos pour marcher correctement. Elle jure tout le temps. Elle est complètement imprévisible. Elle peut se montrer cruelle avec ceux qui viennent chez elle… ou les aider. Son visage est fait des os des gens qu’elle a mangés. Pas vraiment une gentille dame. J’aime ce personnage. Je veux travailler sur la frontière entre fantastique et réalité. Les contes de fées sont des archétypes. J’essaye de montrer que nos vies contiennent une part de féerie, l’intrigue est la même. Nous avons des buts. Nous avons des gens qui haïssent et des gens qui aiment. Nous pensons savoir ce qui est juste ou pas, mais ça évolue très vite. J’utilise deux mondes, un réel et un imaginaire. J’anime les personnages qui les habitent. Ils sont à la recherche d’un enfant – un thème récurrent dans les contes de fées. Cette aventure traverse les deux mondes. Dans le monde réel, la mère abandonne son enfant handicapé. Elle doit parcourir un chemin intérieur.

Avec Le Vivant, vous vous orientez plus vers la science-fiction. Est-ce un genre que vous souhaitez explorer plus avant ?

Le Vivant n’est pas mon dernier livre en Russie, j’ai aussi un recueil de nouvelles – La glande d’Icarus. C’est un organe imaginaire chez les hommes. C’est plutôt de la SF, pas autant que le Vivant. C’est plus proche de mes textes antérieurs, mais les thématiques sont plus scientifiques. Par exemple, je postule que chaque homme possède une glande d’Icarus, qui vient d’Icare qui voulait atteindre le soleil. Elle rend les hommes plus agressifs, plus actifs, moins fidèles, plus belliqueux. Ils doivent s’en débarrasser comme l’appendice, mais certains refusent l’opération, par peur de perdre leur âme. C’est une minorité, dans l’histoire. Mon personnage ne veut pas se séparer de sa glande, car il ne veut pas devenir passif, amorphe. Il finit par tromper sa femme, qui le menace de lui prendre son fils. Il accepte donc. C’est la partie scientifique. Je suis plus familière avec la suite, quand on lui a retiré sa glande. C’est en effet son âme qu’il a perdue. Ça le transforme…

C’est un peu une métaphore de la castration ?

Oui. J’ai eu cette idée juste après avoir fait castrer notre chat. C’était il y a quatre ans. Il n’avait jamais rien fait de mal, mais il pissait dans tous les coins de la maison. Juste après son opération, il a changé, on aurait dit un zombie. Ça a duré trois jours, comme s’il était en deuil. Et puis, il a recommencé à communiquer avec nous, mais quelque chose avait changé. Ce n’était pas uniquement la perte de ses organes. Il avait perdu autre chose, comme ses rêves. Dans mon texte, les scientifiques considèrent que tous les oiseaux ont cette glande. Elle les aide à s’orienter dans leurs migrations saisonnières. Si tu es un homme, tu n’en as pas besoin… et pourtant…

Quelle est la suite ?

Je travaille en ce moment sur une série de livres pour enfants, mais pas seulement – pour les parents, aussi. Ce sont des « livres policiers bestiaux », c’est le meilleur terme que j’ai trouvé, même si le terme thriller me convient. En Russe, bestial a deux significations. « cruel » et « avec des animaux ». L’intrigue se déroule dans une forêt. Tous les personnages sont des animaux anthropomorphiques. C’est une enquête assez classique. Le détective est un vieux blaireau, suivi d’un assistant mi-chat, mi-blaireau. Il a des problèmes d’identité, car il ne sait pas s’il est plutôt un chat ou un blaireau. Il voudrait être un blaireau, mais en fait, il est plutôt chat. Ma fille pense que c’est un blaireau parce qu’il le revendique. Ça lui semble juste. Chaque livre correspond à une enquête. Il y a aussi une histoire d’amour. L’édition russe s’accompagne de belles illustrations. Les enfants attendent la suite. Certains vont sur mon blog et découvrent mes autres publications. Ils veulent savoir quand j’aurai fini d’écrire la suite. Ils cherchent des indices pour découvrir l’identité du tueur. Je fais pas mal d’allusions à des romans pour adultes, comme ceux d’Agatha Christie ou de Conan Doyle.

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L’émission du jeudi 30 mars 2017

[…] Comme Renaud, Comme le phénix, la Salle 101 soutient fermement Emmanuel Macron car elle croit elle aussi, et ce depuis le début de son existence, au libéralisme à visage humain. Et pour mieux te le prouver, elle te parle de plusieurs choses folles, comme Paper Girls, bande-dessinée absolument chouette, Catch 22, classique de Joseph Heller, Dilapide ta jeunesse, essai sur le punk et l’avant-garde allemande au tout début des années quatre-vingt. Content-e-s ?

« La science-fiction, cette forteresse de solitude », gémit Antoine G.